Jour 1 : amuse-gueule déjà casse-gueule

Les courses sont faites, les sacs à dos sont prêts, on embarque le copain Louis avec nous et on se lance sur le sentier ! Le hors d’œuvre est une aimable montée dans la forêt de lengas et de coigües, avec occasionnellement une petite vue sur Puerto Williams, le canal de Beagle, la Terre de Feu et aux confins de l’horizon, Ushuaia.

C’est une blague évidemment, c’est pas aimable du tout, et chargés comme des baudets, on en bave un peu. Pas Alessio apparemment, qui bien vite nous dépasse au petit trot ! Cette première étape est ponctuée par une petite photo à côté du drapeau du Cerro Bandera (600m d’altitude quand même !)

Et hop on se lance sur le plat de résistance ! Plat comme son nom l’indique, il a la particularité d’être à flanc d’une pente de 40% couverte de gravier. Un endroit rêvé pour tracer un sentier de 15cm de large, n’est-ce pas ? Saupoudrez d’une descente de ladite pente sur cailloux de toutes les tailles, et vous obtenez une première journée haute en émotions !

 

Heureusement que depuis notre crête, on observait en contrebas plusieurs lagunes bleu foncé sous le ciel grisonnant ! La dernière, la Laguna del Salto, comporte un site de camping, mais nous, on est plutôt champs de cailloux que sols détrempés.

Donc on s’envoie une dernière montée de l’enfer à travers boue et petits ruisseaux, et on pose la tente sur le Paso Primero, au milieu des montagnes nues et des pierres. Un décor de désolation totale, presque flippant ! Manquait plus qu’un œil de feu géant dans le ciel et on aurait été dans le Mordor ! En attendant, pas de pluie, peu de vent, on est quand même plus tranquilles qu’à Torres del Paine !

Du coup, une partie de cartes, un bol de purée et au lit ! Elle est pas belle la vie ?

Jour 2 : les enfants du calvaire

Les premières gouttes frappent les toiles de nos tentes vers 5h. Elles ne sont pas légion, mais elles n’ont pas l’air de vouloir s’arrêter… Dommage parce que dès nos flocons d’avoine engloutis, nous grimpons aux deux cols suivants, Australia et Los Dientes, alors que la pluie s’intensifie et le vent se lève. Le premier col fait office d’avertissement, et le deuxième est littéralement un concentré d’apocalypse !

Dans le couloir entre les deux montagnes, le vent est d’une violence inouïe et on a toutes les peines du monde à descendre la pente ! Et que dire de la pluie ? Elle nous trempe jusqu’aux os, quand ce ne sont tout simplement des grêlons qui s’abattent sur nos pauvres physionomies !

Voilà une excellente recette pour rester mouillé toute la journée, d’autant plus que les épais nuages qui maculent le ciel ne montrent aucune volonté de mouvement ! Dans ce décor de rêve, nous voilà repartis ! On descend de nouvelles pentes rocailleuses, on glisse dans la neige, on marche à travers buissons et timides arbres dans des plaines spongieuses, on escalade des rochers géants au bord des lacs, dont l’eau reste désespérément grise…

Juste après le déjeuner, on attaque le vindicatif Paso Ventarron, dont les soufflantes avaient réussi plus tôt dans la journée à repousser deux pauvres chiliens trempés comme nous. Heureusement, il sera calmé au moment de notre passage, mais on aura quand même notre dose de tempête et de grêle en longeant la crête. Une fois encore, les quelques lagunes qui constellent le fond de la vallée suivante procurent une bien belle vue… Quand on a l’occasion d’en profiter ! 🙂

En fin de journée, alors que la pluie a cessé et que nos vêtements commencent à sécher, on cherche un site pour camper à proximité de la Laguna Hermosa. Mais rien n’étant satisfaisant, on décide de pousser jusqu’au Lago Martillo. GRAVE ERREUR. Une averse monumentale nous tombe dessus moins d’une demi-heure avant d’atteindre le lac. Trempés comme des soupes, on atteint le campement et on monte les tentes à toute berzingue sous la pluie qui ne cesse. Cette deuxième journée se terminera fort piteusement, intégralement frigorifiés à l’intérieur d’une tente empestant le chien mouillé, un bol de purée sur les genoux…

Encore une fois un gros big up au copain Olivier, qui a pris les opérations dans sa poigne de fer pour nous éviter le nervous breakdown !

Jour 3 : ultimes montagnes russes

Le lendemain matin, le nuage de pluie nous enveloppe toujours. Du moment où on remet nos habits, nos chaussettes et nos chaussures détrempés, l’objectif de la journée est simple : terminer à tout prix, et retrouver un lit et des vêtements SECS ! On se sépare hélas du copain Louis, qui va prendre une journée supplémentaire pour aller voir les Dientes de plus près, et on part !

La pluie cesse vite, et heureusement car la matinée nous réserve son lot de sols gorgés d’eau ! Cela dit, à quoi bon lutter, nos pieds macèrent depuis la première heure dans des chausses transformées en bidets ! Descendre la première vallée n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît, les quelques tronçons un peu raides s’étant transformés en toboggans de boue pendant la nuit. Et arrivés au niveau d’une grande rivière, on perd même le sentier ! Mais rien n’arrête trois paires de pieds ratatinés par l’humidité, on avance le couteau entre les dents !

Et de la détermination, il en faudra en quantité, car à la mi-journée se dresse devant nous une sacrée montagne à gravir. Surtout qu’encore une fois, les traceurs de sentier ne sont pas embêtés à faire des zigzags, NON MONSIEUR ! On tire une ligne droite le long de la pente à 40% et demerden sie sich ! Tant que le sol reste palpable, passe encore, mais quand on arrive carrément sur des rivières de boue occupant l’intégralité du sentier, on fait un peu la gueule, vous comprenez bien. Le sac sur le dos, on escalade alors littéralement la pente hors sentier en s’accrochant aux arbustes et aux rochers !
Et c’est ainsi que les bras douloureux et les chaussures chargées d’une livre de fange chacune, on s’attaque à la montée rocailleuse qui mène au Paso Virginia. Une fois en haut, SURPRISE, on n’est pas encore au col ! Il va falloir se cogner un faux plat sur cailloux pointus de 1,5km pour y arriver ! Vous savez, le genre de chemin qui est toujours pareil et qui vous donne l’impression de ne jamais avancer. Celui-là, précisément !

À l’arrivée, on surplombe la belle Laguna de los Guanacos, nichée au fond d’une fosse aux parois abruptes de gravier. Encore une fois, on oublie les zigzags et on descend en ligne droite ! Ben quoi c’est que du gravier, et puis il doit pas y avoir beaucoup plus de 50%, si ? BANDE DE SAGOUINS, vous ne vous rendez donc pas compte du mal que vous faites aux gens ?!
Bref, on dévale donc la pente en glissant dans le gravier, puis des cailloux tranchants, puis re du gravier, on longe la lagune et hop, nous voilà à l’aube de la dernière descente !

Celle-là aussi est célèbre chez les randonneurs du coin : elle traverse la forêt, mais en plus d’être bien raide, elle est également jonchée de troncs d’arbres, emportés tels des fétus de paille par les tempêtes d’hiver. Et elle n’usurpe pas sa réputation, c’est le moins qu’on puisse dire !

On descend, on trottine, on enjambe, on s’accroupit, on rampe, on se relève, on transpire, on a mal, mais à l’orée du bois, sur les coups de 18h, on arrive en vue de la piste qui mène à Puerto Williams. Passez-nous l’expression mais BORDEL QUEL SOULAGEMENT !
Soulagement de courte durée, car on a peut-être omis de vous préciser qu’une fois la piste rejointe, il reste 10km jusqu’au village ! AAAAAAAAHHH

Fort heureusement, deux touristes chiliens prendront pitié de nous et nous embarqueront dans leur 4×4, nous épargnant ainsi un douloureux épilogue à cette folle épopée…
Inutile de vous décrire l’intense félicité que peuvent procurer en cet instant une douche chaude, un poêle, des chaussettes sèches, les empanadas de centolla (crabe) de la petite madame au bout de la rue et un lit, fût-il superposé. 🙂
Les Dientes de Navarino, on est pas toujours content de les faire, mais par contre on est content de les avoir faites !

Informations pratiques
Sorties : tout le matos pour trekker se trouve chez Shila et c’est plutôt bon marché ! Ex : 3000 pesos pour une petite bouteille de gaz, 2000 par jour pour louer un sac de couchage et 1000 pour une casserole et un réchaud. Achetez aussi une carte de la région, vous en aurez besoin pour vous repérer (4000 pesos) !
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