Après un passage express à Santiago et une mini-orgie de viennoiseries au café La Maison, les trois Butineurs s’envolent vers Punta Arenas, dans le sud de la Patagonie chilienne, 3000km plus bas ! Dans le bus vers Puerto Natales, on découvre le paysage patagonien, fouetté à longueur d’année par les vents et la pluie. Sous un ciel plus instable qu’un adolescent en crise, de vastes plaines couleur bistre s’étendent à perte de vue, accueillant parfois une poignée de moutons ou de vaches… Et au détour d’un virage, à quelques encablures de l’Argentine, la ville de Puerto Natales apparaît, bordée par un lac et dominée par de hauts pics glacés. C’est d’ici que partent les excursions vers le parc le plus célèbre du pays !

Jour 1 : incursion sur le O

Dès notre arrivée à Puerto Natales, en jetant un œil aux cartes du trek W, on se rend compte qu’on a merdé nos réservations de camping. Déjà ! Les deux premiers sont hyper rapprochés, ce qui bouscule un peu notre programme de marche et nous rajoute en gros une nuit dans le parc. AUCUN PROBLÈME, de toute façon on a bien trop d’argent et on a grave envie de marcher !

C’est ainsi que le premier jour, on décide de se lancer sur le sentier O vers le camping Seron pour s’occuper. Mais avant il faut monter les tentes dans un milieu hostile, subissant l’hégémonie d’un vent surpuissant : impitoyable, celui-ci fait pencher nos tentes, menace de les arracher du sol, tord, voire brise les piquets… Bienvenue en Patagonie !

Notre marche est une lutte perpétuelle contre ce même vent, son lot de sable, de gravier et de gouttes de pluie éparses. Non sérieusement, on prend littéralement des gifles, et si on a le malheur d’être en équilibre instable, POUM on tombe ! Malgré ça et un pique-nique forcé à abri d’une poignée d’arbres, on jouit tout de même d’un bien beau panorama sur les vallées de l’extrémité sud-est du parc national.

Arrivés aux deux tiers du chemin, on pose le pied dans une vallée fleurie de toute beauté, parcourue par une rivière glaciaire turquoise et encadrée par des flancs de montagne légèrement dénudés. La légende urbaine veut qu’un jour, un israélien a mis le feu à plusieurs hectares en voulant brûler son papier toilette (ce qui est formellement interdit, vous vous en doutez). L’étendue des dégâts est assez spectaculaire, alors si vous y allez, faites pas les cons et mettez votre PQ dans un sac !

Jour 2 : trois grandes tours et puis s’en va

Allez allez, après ce petit faux départ, on se lance OFFICIELLEMENT sur le tracé du W ! Une fois passée la Lodge Torres, les chose sérieuses commencent avec la montée vers la vallée Ascencio, sur le flanc est du mont Almirante Nieto. Après 2h d’efforts, une incroyable rencontre avec Peter, notre acolyte autrichien des Galápagos, et une belle frayeur pour Laure qui se foule la cheville dans une chute, on arrive au camping Chileno, le deuxième de notre liste !

De là, la suite est bien plus facile puisqu’on peut se payer le luxe de laisser les sacs au camping ! Et en plus, le sentier qui suit le cours d’eau à travers la forêt ne monte qu’occasionnellement. Hmm attendez, c’est louche ça, les tours sont censées être en hauteur… BIEN VU LA GUÊPE, les gusses qui ont tracé le sentier nous réservaient une montée assassine (on a beau chercher, y pas d’autre mot) de 300m de caillasse ignoble sur le dernier kilomètre ! Allez on vous épargne le calcul et on confirme vos craintes : c’est bien un petit 30% des familles, histoire d’être sûr et certain que vous avez VRAIMENT envie de les voir, ces foutues tours !

Rassurez-vous, une fois en haut, y a pas de quoi être déçu ! La monumentale triplette granitique s’élève majestueusement au-dessus du lac glaciaire, dont le turquoise est d’une pureté totale. Face aux tours, l’Almirante Nieto fait valoir ses arguments, et par moments le sable est soulevé par des mini-tornades semant le trouble aux abords du lac ! Et comme on a un peu trainé, on n’a même pas tant de monde que ça sur le site, que demande le peuple ?!

Eh bien tant qu’à faire, le peuple il aurait bien aimé un chouia moins de vent, histoire de pas ramasser une livre de sable dans ses sandwichs ! L’alliance magique du croquant et du fondant, c’est bien gentil mais on est en trek, pas à Objectif Top Chef !

Bon, et qu’on se le dise, le dîner du camping n’est pas à la hauteur du prix qu’on le paye ! Certes on est dans une salle chauffée, on a des gens qui s’occupent de notre bouffe, on mange mieux que la purée 4 fromages au réchaud de la veille, mais on est français que diable, on va pas non plus être contents tout le temps !

Jour 3 : bipolarité sur le Nordernskjöld

Le lendemain nous voit sortir de la première vallée pour gagner les bords de l’immense Lac Nordernskjöld (15 km de long quand même !), que nous allons longer jusqu’au camping Los Cuernos.

Sur le début du chemin, ça trainaille : le soleil brille, les prairies verdoient et l’Almirante Nieto fait belle figure dans l’azur infini. Les flashs crépitent, l’allure est modérée, on profite de chaque instant ! Sur le côté est du grand lac turquoise, le temps est au beau fixe et si on avait su, on serait certainement resté plus longtemps !

Car au fil de la journée, le ciel se couvre, le vent se lève, et des gouttes de pluie commencent même à tomber ! Au début, on met ça sur le compte de l’instabilité météorologique chronique de cette région, mais plus on s’approche de notre camping et plus ça sent mauvais. Cette odeur caractéristique de pluie sur la pierre, vous savez ? Les anglais appellent ça le petrichor, mais peut-être bien qu’on s’en fout. En fait, il s’agit surtout de ne pas repenser à ce montage de tente sous la pluie, ce coucher sous la pluie, le réveil suivant sous la pluie et le démontage de tente sous la pluie.

Mais ces mauvais souvenirs, si tenaces soient-ils, sauront toutefois être dominés par une très belle assiette de saumon-purée-petite-sauce-qui-va-bien, puis par les parties de Steve Jobs (une sorte de Président/Trou du *** amélioré), qui ont su nous redonner le sourire temporaire en cette humide soirée…

Jour 4 : forêts de squelettes à l’ouest

On vient de vous spoiler le réveil, mais pour faire bonne mesure, on va encore pleurnicher un peu : l’humidité règne dans et hors de la tente, on finit la nuit frigorifiés et le compteur affiche 2-3 misérables heures de sommeil… VOILÀ ÇA VA MIEUX !

Heureusement, la pluie faiblit puis s’arrête en milieu de matinée, ce qui nous permet de démarrer enfin cette grosse journée ! On rejoint tout d’abord assez rapidement les campements du milieu du W (Francés et Italiano), où on peut à nouveau se payer le luxe de laisser les sacs, et on attaque la grosse montée vers le mirador Britanico.

C’est parfois un peu compliqué sur les énormes cailloux, mais on remonte avec plaisir un impétueux torrent glaciaire et en s’élevant, on peut admirer des vues de plus en plus belles du lac Nordernskjöld au loin.

La marche dans la forêt est très agréable car nous sommes durablement protégés des vents violents qui sévissent dans la zone, mais d’un coup d’un seul, on déboule dans une clairière rocheuse et BAM ! Un premier panorama glacé s’étale devant nos yeux ébaubis : 360 degrés de glaciers et de pics rocheux sur fond de ciel bleu, on est complètement pris au dépourvu, et donc hallucinés jusqu’au trognon !

Mais ce n’est pas fini ! Il reste encore une grosse demi-heure de marche, et notamment une montée difficile jusqu’au mirador. Et après avoir escaladé encore plus de cailloux, on parvient au point de vue au milieu… d’une tempête de neige !

Mais le temps est très soupe au lait dans cette région, et on n’a que dix minutes à attendre avant que le ciel ne s’éclaircisse totalement, et qu’un panorama encore plus complet ne s’affiche ! Une nouvelle fois la vue nous émerveille, mais malheureusement on ne peut guère s’éterniser car il reste une grosse douzaine de kilomètres à parcourir jusqu’au camping suivant !

Et sur cette dernière portion de la journée, on n’a pas fini d’écarquiller nos mirettes ! Des centaines d’arbres blancs peuplent les rives et les pentes herbeuses autour du Lac Sköttsberg, et l’ensemble s’épanouit dans la lumière rasante de fin d’après-midi tel un décor de Tim Burton, magnifique ! Et sur le lac, les vents dessinent des formes mouvantes à la surface de l’eau, ce qui nous cause quelques instants de profonde contemplation…

À l’arrivée au camping Paine Grande, sur les bords du Lac Pehoé, on nous annonce que le bateau censé nous ramener à l’entrée du parc ne circule plus, ce qui nous plonge dans un abîme de réflexion pour le programme du lendemain. Et en plus la crève latente de Shank devient carrément carabinée en soirée. Heureusement, Olivier, le grand manitou du réchaud à gaz, est aux petits soins pour nous : non content de galoper un kilomètre devant nous toute la journée, il prépare en plus tous nos repas de camping ! Big up chef, tu gères 🙂

Jour 5 : 50 nuances de Grey

Le plan est arrêté : on va voir le glacier Grey, on revient au camping et on s’envoie à pied les 20 bornes réglementaires pour rejoindre l’entrée du parc. Soupir.

Le sentier longe le vaste Lac Grey, dont les eaux sont peuplées de petits icebergs turquoise, un bel avant-goût de ce qui nous attend !

Par manque de temps, on doit malheureusement s’arrêter au premier mirador, qui offre une vue lointaine de l’impressionnant monstre de glace. A part un nouveau vent de face qui nous gifle le visage avec l’aide d’une foule de gouttes de pluie, on est plutôt contents 🙂

D’autant plus qu’en rentrant au camping, nos perspectives changent drastiquement ! Apparemment, les catamarans circuleraient quand même sur le Lac Pehoé ce jour-là : aurions-nous été… MENÉS EN BATEAU ?! Mais oui mes seigneurs, et pour rentrer au bercail il va falloir recommencer !

C’est donc sur cette ultime traversée que s’achève notre folle aventure dans le parc Torres del Paine, faites de paysages merveilleux, de vent, de nuits en camping plus ou moins difficiles, de vent, de purée en sachet, de glaciers, de vent, de lacs turquoise, de montagnes imposantes, de vent, de sacs lourds et de vent !

Dans le bus ça roupille dru, mais un dernier effort nous mènera à notre hostel, une douche chaude, des bons lits (superposés), la désormais célèbre pizza cône et des grosses assiettes de pâtes au bleu ! Hourra !

Quel bilan tirer de cette incroyable épopée ? A nous écouter pleurnicher sur la météo et le camping, on dirait presque que c’était pas bien ! Ben imaginez-vous qu’en plus, on s’est saigné de 300 euros par personne pour ça ! Eh oui nouvelle règle de réservation oblige ! Blague à part, ce parc est vraiment un endroit incroyable, criblé des lacs turquoise que vous connaissez, constamment sous la surveillance de ces imposantes montagnes, et mine de rien il présente une très belle diversité de paysages ! On parle évidemment pour le W, le sentier O est bien plus long et contourne le complexe montagneux par le nord, et bien évidemment on ne sait pas du tout ce qu’il y a dessus 🙂 Mais si on avait un conseil à vous donner, c’est de vous y prendre looooongtemps à l’avance pour booker les campings gratos et aller vadrouiller dans cet éden soufflant à moindre coût ! 😉

Informations pratiques

  • Dodo : Hostel Zaltaxar à Puerto Natales, 10 000 pesos par personne en dortoir, sdb partagée, petit déjeuner inclus, cuisine.
  • Manger : plus encore qu’ailleurs, on se fait sa popote ! Sauf si on veut aller goûter la pizza cône du supermarché 🙂 (1900 pesos pièce)
  • Sorties : ATTENTION, depuis 2017 il est nécessaire de réserver sa place en camping, gratuit ou payant ! À faire longtemps à l’avance, ça se remplit très vite ! Nous on a réservé ricrac début décembre pour mi-janvier. Réservations sur le site de la CONAF (gratuit), de Fantastico Sur ou Vertice Patagonia (payants) : Central (15$/personne), Chileno et Los Cuernos (90$/personne en pension complète), Paine Grande (6000 pesos/personne). Entrée dans le parc national : 21 000 pesos/personne.
  • Conseils : équipez-vous bien (sac de couchage, matelas, collants mérinos), les nuits sont fraîches et parfois pluvieuses ! Côté bouffe, n’amenez que des trucs secs qui ne pèsent pas trop lourd : flocons d’avoine, fruits secs, barres de céréales, purée, risotto… Et s’il vous manque du matos de camping, tout peut se louer/s’acheter à Puerto Natales (ex : gaz + réchaud + casserole pour 5 jours = 24 000 pesos).
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