Aller de Monteverde à Tortuguero, le célèbre parc national tout au nord de la côte caraïbe, en une journée via San José, c’est impossible, qu’on se le dise. Contraints et forcés, on passe 5h dans le bus pour faire les 150 km séparant Santa Elena de la capitale (sic). Tout ça pour finir à l’Hostel Pangea, une monstrueuse usine à touristes des quartiers nord, qu’une architecture dont l’URSS aurait été fière et des dortoirs minuscules proposés au prix fort rendent particulièrement peu hospitalière, pour mâcher nos mots.
Enfin, on serre les dents, car le lendemain matin à la première heure, flanqués de nos nouveaux compagnons de voyage danois, rencontrés à Monteverde, nous montons dans le bus pour Cariari. De là, un deuxième bus nous amène à l’embarcadère de La Pavona, où attendent plusieurs lanchas (bateaux à moteur). Pour rallier Tortuguero, les voies fluviale ou aérienne sont les seules options, et sans exagérer, ça nous remplit d’allégresse ! D’abord parce que le trajet aller en bateau sous un grand soleil est un délice absolu (on voit même des caïmans et un énorme crocodile !), et ensuite parce que le village en lui-même, dépourvu de tout engin motorisé terrestre et empreint de la culture caribéenne, est d’une chillitude ébouriffante.
Et apparemment, la saison des miracles accepte de venir jouer les prolongations dans la zone la plus pluvieuse du Costa Rica. Il fait grand soleil pendant toute la première après-midi, ce qui nous permet de profiter pleinement de l’expérience Tortuguero : déjeuner en terrasse, promenade sur la plage de sable noir, session basket sur – n’ayons pas peur des mots – le meilleur terrain du monde…
Le soir même, nous faisons le premier tour nature de notre menu : partir à la rencontre des tortues marines qui viennent pondre sur les rivages de Tortuguero. A la nuit tombée, sous la houlette du célèbre guide local Castor Hunter Thomas (le Davy Crockett des Caraïbes), nous nous rendons sur une des plages du nord pour observer les placides reptiles. Les rangers ne tardent pas à les débusquer, mais les touristes sont très nombreux et les règles d’approche des chéloniens sont strictes. La moitié écologue des Butineurs apprécie beaucoup toutes les précautions prises pour ne pas perturber la ponte des œufs : personne lors de la montée sur la plage, lumière rouge uniquement, personne face à la tortue…
Au final, le spectacle de tortues vertes de deux mètres de long charriant des kilos de sable au-dessus de leurs œufs nous a profondément émerveillé et impressionnés. Mais la vue de cent touristes qui se massent autour des trois reptiles en plein travail, et suivent ensuite tels des zombies celui qui, son office terminé, retourne à la mer, a du mal à passer et est légèrement dérangeant…
Le lendemain dès l’aube, à l’heure où verdit la forêt (environ 5h30), nous sommes postés à l’entrée du parc national avec nos amis scandinaves et Castor, pour le deuxième épisode. La pluie diluvienne s’est arrêtée moins d’une heure avant notre lever, l’insolente baraka continue ! Une fois les droits d’entrée acquittés, nous embarquons dans le canot électrique ultra-silencieux de notre guide. Et ceci marque le début de deux heures et demie de pur bonheur ! La lumière rasante vient caresser la forêt qui s’éveille, ainsi que tous les magnifiques animaux que l’œil surpuissant de l’incroyable Castor parvient à repérer. On passe d’émerveillement en surprise en re-émerveillement : iguane, toucan, paresseux tridactyle et son bébé, hérons, singes hurleurs, hibous, basilics, caïmans, loutres, singes araignée… Et surtout la sensation grisante d’être seuls, avec pour seuls compagnons les bruits de la jungle et le doux clapotis de quelques vaguelettes.
Le soleil nous accompagnera encore durant toute la journée, que ce soit le long du Jaguar Trail au sein du parc national, sur la plage que l’on remonte à pied, ou sur la pipa (noix de coco) fraîche et pleine d’eau parfumée que nous vend un autochtone. Et le lendemain matin, à l’heure où la lancha quitte Tortuguero avec les Butineurs à son bord, des trombes d’eau s’abattent sur le paisible village… La saison des miracles on vous dit !