À peine remis de l’aventure Torres del Paine, une excellente nouvelle tombe : on a obtenu un siège sur le ferry pour Puerto Williams ! Si ça ne vous fait aucun effet, c’est que vous n’avez pas assez trainé devant les planisphères à l’école primaire ! Ou peut-être que vous, vous aviez des copains pour jouer au foot… BREF, Puerto Williams, au nord de la Isla Navarino, est situé à 50km d’Ushuaia, de l’autre côté du canal de Beagle, et est de facto la ville la plus australe du monde ! Quatre mois après Punta Gallinas, un continent entier aura été traversé : dans ces cas-là on aime bien dire BOOM SHAKALAKA !

En ferry vers le bout du monde…

C’est donc le 19 janvier à 18h que le Yagan quitte le port de Punta Arenas et entreprend la descente du détroit de Magellan avec nous à son bord ! La première soirée est déjà riche en observations : albatros, sternes et cormorans survolent notre bâtiment ou barbotent à la recherche de bonne pitance… Et dans l’eau on parvient même à apercevoir une otarie et quelques manchots qui pointent le bout de leur bec !

Sous les nuages qui s’illuminent d’orange dans le ciel bleu-gris, on fait connaissance avec les autres passagers : Alessio, italien mi-randonneur mi-machine de guerre, Anne et Gérard, couple de retraités d’Aix-en-Provence, Patrick, autre retraité de Clermont, Sofia et Javier, couple santiaguino, et surtout Louis, jeune parisien en congé sabbatique qui bosse dans la même boîte que notre pote Clément ! INCROYABLE ! Au-delà de cette invraisemblable coïncidence, on est quand meme surpris du nombre de français à bord : ces gens sont vraiment partout !

Le lendemain matin, on subit les premières turbulences alors qu’on zigzague entre les îles du Parque Nacional Agostini et qu’on se retrouve brièvement en pleine mer ! Mais bien vite on regagne le réseau de canaux à l’intérieur de ce continent déchiqueté, qui sous ces latitudes n’en est plus vraiment un. La journée est belle et on passe le plus clair de notre temps sur le deck à admirer les îles, îlots, ilets, jusqu’aux simples cailloux qui jalonnent notre parcours.

En milieu d’après-midi, on longe la côte sud de la Terre de Feu par le canal de Beagle, lieu où se succèdent plusieurs glaciers ! De la taille réduite au super mastodonte, on en voit de toutes les tailles, mais aussi de toutes les couleurs : bleu turquoise, blanc, brun-noir. Dans leur entourage, de denses forêts s’étendent sur les pentes, régulièrement cisaillées par des rivières et des cascades…

En milieu de soirée on passe les feux d’Ushuaia (on en avait le cœur gras), et on approche le débarcadère de Puerto Williams vers 22h30. Au loin, le soleil se couche derrière les Dientes dans un ciel rouge-orange constellé d’épais nuages : pas mal, le bout du monde !

Informations pratiques
La traversée de Punta Arenas à Puerto Williams dure 30h et est opérée par la compagnie Transbordadora Austral Broom. Les départs ne se font que le jeudi à 18h et il y a deux types de sièges :
– semicama, 106 000 pesos, réservés aux locaux jusqu’à 24h avant le départ : inscrivez-vous sur la liste d’attente, vous devriez les avoir !
– cama, 145 000 pesos, disponibles à tout moment.
Tous les repas à bord sont inclus (1 petit-déjeuner, 1 déjeuner et 2 dîners), les boissons chaudes sont à volonté et il y a des toilettes et des douches. L’arrivée à Puerto Williams se fait entre 22h et minuit mais il est possible de passer la deuxième nuit gratuitement à bord du ferry.

Puerto Williams, on dirait le sud

Au petit matin, tout le monde se retrouve chez Cécilia, propriétaire truculente d’un petit hostel qui nous offre le petit déjeuner. Et qu’on ne parle surtout pas de chambres ou d’argent, d’abord on mange !

Ce faisant, on rencontre de bien curieux personnages : deux français qui ont passé un mois et demi tout seuls dans une cabane au bord du Lago Windhond, 20km au sud, là où il n’y a plus personne du tout, ou des marins qui vont aller se mesurer à la fougue du célèbre Cap Horn…
La journée est dédiée à la préparation du trek du lendemain, les Dientes de Navarino ! Mais aussi accessoirement à la visite de la petite ville, en compagnie de Pascale, la bergère allemande très amicale et très bien dressée de Cécilia.

Rues larges et majoritairement désertes, maisons trapues flanquées de hautes piles de bois, supérettes, habitants qui se connaissent tous… Le paisible village a décidément un je-ne-sais-quoi de bout de la terre.

On profite aussi de notre temps libre pour aller visiter le petit musée Martin Gusinde, du nom de l’anthropologue allemand venu étudier les peuplades indigènes de la région. Selknam, Kaweskar, Yagan, les nomades ayant sillonné les impétueux canaux de la Terre de Feu ont divers noms… De leurs us et coutumes on retiendra une chose : leur incroyable résistance au froid ! Les mecs se baladaient nus dans la neige, arcs et flèches dans le dos, avec pour simple vêtement une peau de bête, genre easy ! En mode rangez vos doudounes Quechua les pleureuses européennes et restez chez vous, dans vos maisons à murs ! Incroyable…

Et enfin, profitant d’une belle journée sur la péninsule de l’aéroport, on part tous les trois avec Louis, Pascale et deux autres copains canins ramassés sur le chemin, observer les oiseaux sur la petite langue de terre. La marche d’une heure et demie représente une des plus belles absurdités géographiques du monde moderne (la péninsule est à environ 300m du centre ville à vol… d’oiseau !), mais les volatiles marins (hérons, huîtriers-pies, sternes, goélands) sont au rendez-vous !

Informations pratiques

  • Dodo : Hostal El Padrino, face au débarcadère, 15 000 pesos par personne en dortoir, petit déjeuner gargantuesque de tartines et d’œufs inclus, cuisine.
  • Manger : allez goûter les excellentes empanadas de centolla (crabe) à 1500 pesos chez la petite madame dans la maison verte au bord de la mer ! La chorillana de mariscos également (10 000 pesos), mais c’est moins bon, c’est plus pour la culture 🙂

En costard sur la Isla Magdalena

ELLIPSE TEMPORELLE !!!
Après cette abomination que furent les Dientes de Navarino (abomination qu’on vous raconte en détail ici !), on revient à Punta Arenas avec un caractère en acier trempé tout neuf, mais on prend quand même le temps de se reposer un peu dans l’hostel de l’adorable Marcela. Et dans le coin il y a une petite sortie nature bien sympatoche à faire : la visite de la Isla Magdalena, un des lieux de reproduction principaux des manchots de Magellan (Spheniscus magellanicus) !

Un gros ferry parcourt en à peine 2h la quarantaine de kilomètres séparant l’île de Punta Arenas, et nous y dépose pour une heure. Pas grand chose direz-vous, mais il y a tellement de manchots sur cette île qu’on peut difficilement évoluer à plus de 1km/h ! Ils sont absolument partout !

Séchant au bord de l’eau, nageant dans l’eau, vautrés par terre ou dans leurs terriers, se dandinant ou s’ébrouant sur le chemin, impossible de les rater, même si on le faisait exprès !

Le court sentier décrit une boucle depuis le débarcadère jusqu’au phare, puis revient au point de départ en passant par les « hauts » de l’île. On peut observer énormément d’adultes et de juvéniles dans ou à proximité de leurs terriers, mais ceux-ci doivent être jalousement gardés !

En effet, l’île abrite également beaucoup de goélands et de labbes, deux espèces carnivores pouvant s’en prendre aux œufs ou aux oisillons.
Une sortie simple et sans danger donc, où on est sûr de voir de la bestiole ! Attention cependant à bien respecter les consignes, car globalement l’espèce est menacée et l’île est l’une de ses résidences de prédilection !

Informations pratiques

  • Dodo : Hostal Backpackers 47, 10 000 pesos par personne en dortoir, sdb partagée, cuisine. Marcela est géniale, allez-y !
  • Sorties : les tours vers la Isla Magdalena peuvent se réserver chez Transbordadora Austral Broom pour 40 000 pesos par personne. Selon la journée il y a un ou deux départs, à 10h et à 15h. Emmenez un déjeuner !
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